TF1 et Canal : où en sommes-nous dans le conflit des chaînes privées ?
A ma droite Vincent Bolloré pour le groupe Canal, à ma gauche Martin Bouygues pour TF1. Ces deux-là ne s’entendent plus depuis plusieurs jours, et en conséquence des millions de téléspectateurs sont privés de flux des chaînes du groupe TF1 depuis plusieurs jours maintenant. Comment en sommes-nous arrivés à ce conflit entre les chaînes privées ? Je vous en parle !
Canal doit-il payer pour diffuser la chaîne gratuite TF1 ?
Le groupe Canal a deux activités principales : d’une part il édite ses propres chaînes (dont Canal + et C8), d’autre part il est agrégateur de flux qu’il diffuse via son offre grand public (les fameux abonnements Canal). Fin août 2022, le contrat qui permet à Canal de diffuser les chaînes du groupe TF1 arrive à son terme. Aucun nouvel accord n’a été trouvé entre les deux groupes.
La raison : le groupe TF1 a revu ses exigences commerciales très à la hausse. Le groupe demande selon Canal des « exigences déraisonnables » que le groupe Canal ne peut se résoudre à accepter. Chez Canal on nous parle d’un montant d’une dizaine de millions d’euros par an. Impensable selon Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal, de débourser une telle somme pour diffuser des chaînes accessibles gratuitement via la TNT. Côté TF1, si l’on parle de chiffres fantaisistes, on se targue aussi d’avoir réussi le renouvellement de contrats avec d’autres agrégateurs de flux tels que Free, SFR ou Orange .
TF1 : L’écran noir pour les abonnés Canal
Faute d’accord, début septembre c’est la douche froide pour de nombreux abonnés Canal : écran noir sur toutes les chaînes du groupe TF1. Voilà un mois que cette situation perdure et aucun accord n’est aujourd’hui sur le point d’être trouvé. Pourtant les conséquences pour les deux groupes sont importantes :
- Côté TF1, le vaisseau amiral, première chaîne de l’offre TV gratuite en France, perd près de 2 points de part de marché par rapport à l’an dernier, 1 point par rapport au mois d’août. Une chute inédite et un niveau d’audience au plus bas historique.
- Côté Canal, même si les chaînes du groupe grappillent quelques points (+1,6 en septembre vs. aout 2022), il est difficile d’imaginer que l’absence des chaînes les plus regardées de France dans leur offre, soit une bonne nouvelle sur le long terme.
Alors peut-on légitimement demander de payer des millions d’euros à un diffuseur pour diffuser un flux par ailleurs gratuit ? TF1 répond que la concurrence est de plus en plus forte, le marché publicitaire de plus en plus tendu. Il est donc nécessaire de trouver de nouveaux leviers de rentabilité, notamment face à une consommation de ce média traditionnel en baisse. Sauf que chez Canal, même si l’offre est payante, on est plus ou moins confronté aux mêmes problèmes.
Premier revers pour TF1
La première chaîne, face à cette situation insupportable, décide de porter l’affaire devant le parquet, en demandant notamment le rétablissement de la diffusion de ses chaînes qui sont gratuites et doivent donc être diffusées auprès de tous les téléspectateurs potentiels. Un comble, puisque le groupe demandait un mois auparavant plusieurs dizaines de millions d’euros pour cette même diffusion !
Le jeudi 22 Septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris se prononce près de trois semaines après la coupure dans les zones blanches des chaînes du groupe de Gilles Pélisson : Canal ne peut-être obligé à rétablir le signal.
Retour probable de TF1 sur Canal
A quand un retour à la normale ? Difficile à dire, mais les deux groupes devraient réussir à trouver un accord prochainement. En effet, si TF1 revoit sa copie, le groupe Canal est également prêt à réviser de nouvelles exigences. Normal, les deux groupes sont concurrents, mais aussi partenaires sur d’autres projets comme la production d’oeuvres de fictions à la télé et au cinéma.
Il y aussi un gros enjeu économique pour TF1 qui s’apprête à relancer des marques fortes comme la Star Academy, ou encore à diffuser son projet le plus cher : la Coupe du Monde de football 2022.
Une fois encore, cette situation ne fait que traduire le bouleversement énorme qui traverse toute la sphère média / audio-visuelle. L’évolution des modes de consommation pousse les acteurs traditionnels du marché à revoir leurs offres pour survivre. Le mariage avorté entre TF1 et M6 n’en est qu’un autre exemple parmi sûrement tant d’autres à venir.